de Michel-Yves Bolloré (Auteur), Olivier Bonnassies (Auteur)
DIEU - LA SCIENCE LES PREUVES (Cliquer)
Débat :Thomas Guénolé vs Olivier Bonnassies : Avons-nous des preuves de l'existence de Dieu ? (Cliquer)
J’ai trouvé le débat intéressant, mais j’aimerais faire quelques remarques, à la fois sur le fond et d’un point de vue méthodologique. Un raisonnement peut être logiquement juste mais aboutir à une conclusion fausse si ses prémisses sont mal choisies ou erronées. La justesse formelle ne suffit pas à garantir la vérité. L’attitude de ceux qui se mettent à la place de Dieu pour raisonner révèle, parfois au moins, une forme de présomption intellectuelle : ils confondent la cohérence de leur logique avec l’absolu du réel, oubliant que le mystère de Dieu dépasse toute projection humaine (voir remarque d'Olivier Bonnassies à ce sujet).
Par exemple, il est réducteur d’interpréter l’Ancien Testament comme si chaque mot venait directement et littéralement de Dieu, sans médiation humaine. Pour la foi catholique, l’Écriture est bien inspirée, mais elle passe par des auteurs humains, avec leur culture, leurs limites, leurs sensibilités. Dieu conduit son peuple, mais il le fait dans l’histoire, à travers des étapes, des lenteurs, des violences parfois — non pas parce qu’il les veut, mais parce qu’il accompagne l’homme tel qu’il est, pour l’élever peu à peu.
Le Christ, lui, n’a rien écrit de sa main, sinon quelques mots tracés sur le sable, devant la femme adultère. Ce silence du Christ écrivain est significatif : la Parole de Dieu, ce n’est pas d’abord un texte, c’est une personne vivante. Le Verbe s’est fait chair, non livre. C’est sa vie, ses gestes, sa mort et sa résurrection qui révèlent pleinement Dieu. Les évangiles eux-mêmes ne sont pas dictés du ciel : ils sont le fruit d’un témoignage porté par des hommes, éclairés par l’Esprit, mais non effacés dans leur humanité. C’est pourquoi lire la Bible à la lumière du Christ suppose de discerner, de comprendre l’évolution de la Révélation, et de ne pas enfermer Dieu dans les mots d’hommes qui, eux aussi, étaient en chemin.
Une théorie scientifique comporte plusieurs niveaux d'abstraction : une formulation mathématique, un aspect opérationnel (ce qui fonctionne en pratique), et une vision du monde implicite. On peut vérifier qu’une théorie "marche", mais cela ne signifie pas que la vision du monde qu’elle suggère est vraie. Une théorie physique est plus ou moins vérifiée, tandis qu’une vision du monde est plus ou moins vraie. Confondre les deux, c’est prendre un outil pour une vérité ontologique.
Je n’ai pas encore lu le livre Dieu, la science, les preuves, mais je me base sur ce que j’ai compris à travers cette vidéo. Les auteurs semblent utiliser les probabilités pour montrer que l’ajustement très précis des constantes de l’univers rend l’existence d’un Dieu créateur raisonnable voir nécessaire. C’est intéressant et c'est un aspect important à considérer, mais on peut aussi prendre le raisonnement dans l’autre sens : ce n’est pas seulement par des conditions initiales bien réglées que tout s’explique, mais peut-être par la présence actuelle d’une cause finale qui oriente le devenir. Autrement dit, la finalité ne serait pas simplement projetée depuis le passé, mais à l’œuvre dans le présent, grâce à un principe moteur immanent (à préciser).
Je pense que ma démarche philosophique sur ce sujet est complémentaire, et j’en parle davantage sur ma chaîne YouTube (liens disponibles dans la description). Je travaille sur ce thème en philosophie depuis les années 1990, et je suis très intéressé par la formation scientifique des auteurs ainsi que par la complémentarité possible de nos approches.
A quelqu'un, qui critiquait la démonstration d' Olivier Bonnassies, puis comparait les constantes physiques au nombre π, j'ai répondu :
Je ne connais pas suffisamment le sujet et leur argumentation pour avoir un avis sur sa valeur. J'aurai pu écrire au conditionnel « rendrait ». Je me suis servi de l'intelligence artificielle pour creuser le sujet, par progression progressive du questionnement, voilà ce qu'il en ressort : Le rôle des probabilités en science peut être très différent selon le contexte.
Dans certaines situations, comme celle des inégalités de Bell, les probabilités sont utilisées pour tester des hypothèses précises. Deux théories sont mises en concurrence (par exemple, variables cachées locales vs mécanique quantique), et les résultats expérimentaux permettent de trancher. Ici, les probabilités mènent à une nécessité logique : certaines hypothèses sont exclues parce qu’elles ne correspondent pas aux observations.
Dans d’autres cas, comme dans Dieu, la science, les preuves, les probabilités servent plutôt à souligner l’improbabilité d’un phénomène (par exemple, le réglage fin des constantes physiques). L’idée est que cette improbabilité rend l’hypothèse d’un Dieu créateur plus crédible que celle du pur hasard. Mais il ne s’agit pas d’un test scientifique entre deux théories opposables — c’est un raisonnement inductif, orienté vers la plausibilité plutôt que la démonstration. Dans un cas, les probabilités éliminent une théorie. Dans l’autre, elles suggèrent une explication.
Comparer les constantes physiques au nombre π n’est pas pertinent : π découle nécessairement des lois de la géométrie, tandis que les constantes physiques sont contingentes — elles auraient pu être différentes. Leur ajustement précis est un fait étonnant, que l’on peut chercher à interpréter, notamment sur le plan philosophique ou métaphysique. Mais alors, quelles sont les autres interprétations possibles ? Y a-t-il des alternatives claires et cohérentes qui pourraient être mises en regard les unes des autres ? C’est sans doute à ce niveau que le débat peut vraiment avancer.
"Preuves" de l'existence de Dieu :
Chez Thomas d’Aquin, le raisonnement procède d’une observation du monde sensible vers la recherche de sa cause première. Sa preuve de l'existence de Dieu est d'ordre métaphysique ; elle repose sur le principe de causalité, affirmant qu'une chaîne de mouvements, de causes ou de contingences ne peut se prolonger à l'infini. Il faut donc, pour rendre raison de l'existence des êtres, reconnaître un Être nécessaire, moteur immobile, cause première et fondement ultime de tout ce qui est. Dieu n’est pas atteint par une perception directe, mais par une analyse rigoureuse des liens de dépendance qui traversent le monde et de l'impossibilité pour les choses d'être leur propre origine. Dans ma propre recherche, je ne procède pas exactement comme Thomas d'Aquin pour établir la preuve par le mouvement ; je m'inscris néanmoins dans une démarche qui reprend son intuition, tout en corrigeant ce que je considère être certaines limites de son approche, au vu des connaissances actuelles.
Cordialement
Philippe de Bellescize